L’oppostion de la sédentarité et du nomadisme est les sujets familiers dans l’histoire humaine depuis le premier fratricide, haine de Caïn pour Abel jusqu’au génocide des Juifs par les nazis. Les thèmes sur la sédentarité et le nomadisme sont constamment présents dans les romans de Michel Tournier. Arlette Bouloumié explique “chaque roman de Michel Tournier se déroule à deux niveaux : le contenu manifeste se situe dans le monde d'aujourd'hui ou un monde historiquement daté, le contenu latent renvoie aux mythes d'origine.” C’est-à-dire que, chez Michel Tournier, l’oppostion de cette valeur différente est présente à la fois dans le monde réel et le monde mythique. Ses personages quittent leurs pays natals et entreprennent leurs voyages initiatiques pour rechercher l’autres espaces.
Donc, la quête du nomadisme est fréquente dans les romans de Michel Tournier. Dans Les Météores(1975) Jean, le nomade qui est l’homme de la météorologie s’oppose à Paul, le sédentaire comme Phileas Fogg. Dans Le Roi des Aulnes(1970), Abel Tiffauges qui s’identifie à l’homme des tourbières va en pèlerinage à travers Prusse Orientale, espace mythique. Dans Vendredi ou les limbes du Pacifique(1967), Robinson Crusoé n’obéit pas à son père qui lui impose la vie sédentaire et cherche l’aventure comme le nomade. L'itinéraire des personnages de Michel Tournier est le voyage initiatique qui est liée à la recherche de la perfection puisqu’ils prennent conscience de leurs vocations pour retrouver l’unité perdue.
Paul, le sédentaire fait le voyage pour retrouver son frère, le nomade qui le fuit. Le couple Paul et Jean ne se rencontre pas. Mais Paul découvre la possibilité de se libérer la contrainte de l’image et du pesanteur tellurique dans le voyage initiatique. Il perçoit enfin l’ubiquité de son frère : “il y a mystère et un miracle gémellaires, et le frère pareil disparu revit toujours de quelque façon dans le jumeau déparié survivant.” Abel Tiffauges s’installe avec joie dans la plénitude et la solitude de Prusse Orientale qui rappelle le monde originel. Mais Abel Tiffauges qui est devenu le sédentaire déchu doit repartir pour subir la dernière épreuve qui prépare sa renaissance. Robinson Crusoé, le sédentaire malgré lui, domine en vain le temps et l’espace de l’île pour oublier la solitude de l’île déserte. Il veut se libérer de ses racines terriennes en poursuivant le monde éolien. Après la purification par le feu, il va achever son initiation.
Ainsi, les personnages des romans de Michel Tournier, qui sont soit sédentaires soit nomades, poursuivent la vie libre de la contrainte tellurique dans les rites initiatiques. Dans la lutte contre la contrainte tellurique, ils veulent retrouver le temps et l’espace mythiques des origines. Le nomadisme leur permet de redécouvrir la transcendance et l’immortalité dans leurs voyages initiatiques.