Dans son récent ouvrage The Brutish Museums (2021), Dan Hicks observe qu’il n’existe aucun contre-modèle à la théorie du don établie par Marcel Mauss (1923-1924). Partant, il propose une théorie des spoliations patrimoniales visant à examiner les conditions matérielles et idéologiques qui ont mené aux transferts patrimoniaux non consentis d’artefacts africains vers les musées occidentaux, et qui les y maintiennent jusqu’à ce jour. Pour compléter cette théorie rétrospective des spoliations, nous orienterons la présente étude vers le contexte qui se dessine : celui des restitutions, réparations et réappropriations de biens illégalement acquis. Or, qu’est-ce qu’une restitution sinon le contre-don d’un bien non offert mais spolié ? En d’autres termes, la théorie du don de Mauss nous a semblé indispensable pour déchiffrer les enjeux théoriques et pratiques des restitutions actuelles. Pour ce faire, nous analyserons dans un premier temps les principaux aspects du paradigme maussien. Dans un deuxième temps, nous démontrerons en quoi il est pertinent de l’appliquer à la problématique actuelle des restitutions. Le dernier temps de notre réflexion exposera les résultats de notre étude. En symétrique aux trois obligations de Mauss donner, recevoir et rendre- , nous élaborerons un modèle de restitution en six étapes : inventaire des pièces et numérisation des données ; études sur la provenance des collections au-delà des nécrologies ; reconnaissance des crimes et excuses ; retours matériels des biens illégalement acquis ; coopération muséale ; et processus de démuséalisation.