Cette étude a pour but de mettre en lumière l'antinomie entre la pensée grecque et le christianisme dans L'Etranger d'Albert Camus.
Camus se sentait “le coeur grecque”. C'est en effet là une première condition pour comprendre la pensée de Camus. Comme plusieurs critiques l’ont déjà remarqué, les grandes idées de la pensée camusienne ont été fécondées par l’esprit grec. Par contre, Camus a principalement certain grief contre le christianisme. Surtout, il reproche au christianisme d'avoir séparé l'homme de la nature au profit de l'histoire. Quant à L'Étranger, avant tout, toutes les situations dans ce roman sont divisées en l'espace de la Grèce antique et celui du christianisme. Les aspects de conflit entre les caractéristiques typiques de Meursault comme un grec ancien et les valeurs chrétiennes sont représentées dans les figures diverses. Tout d'abord, chez Meursault-grec, l'homme fait partie intégrante de la nature. Il comprend les dernières années de sa mère par la contemplation du monde et trouve son propre raison d'être dans l'ordre de la nature. Ce qui est contraire au Christianisme dans lequel l'homme se sépare de la créature, et la nature au lieu d’être objet de contemplation, devient la matière pure, objet de transformaton. La valeur du présent et du corps est l’autre point important où Meursault rejoint les Grecs. Comme Camus lui-même a declaré que "tout mon royaume est de ce monde.", pour Meursault, il n'y a aucune autre monde que l'univers où il vit. Dans cette réalité sensible, son corps vit dans un éternel présent. Comme chez les Grecs, il n’y a ni commencement de l’histoire ni fin, chez Camus ou Meursault, l’avenir en tant que fin du mal et jugement final n’existe pas. Tout se passe dans le présent. Par conséquent, Meursault, il ne peut croire que la mort ouvre sur une autre vie. Contrairement à cet esprit, le christianisme constitue le premier système de la philosophie de l’histoire. D’après cette conception de l’histoire, la valeur suprême se place à la fin de l’histoire et le présent se dévalorise. Il va de soi que Meursault n'accepte pas la notion du péché introduit par le christianisme pour justifier le mal. Pour Meursault, il n'y a que l’hybris tout différent d'un péché. Il s’agit plutôt des inadvertances humaines.
En plus, Meursault a un souci de ne pas se laisser entraîner par la démesure du langage ainsi que les limites des sensations et l’équilibre du corps. Cette nature est également semblable à la Justice ou l'équilibre grecque qui implique la notion du respect des limites dans les rapports de l’homme avec le monde et ses semblables.
Finalement, la manière dont Meursault présente les phénomènes psychologiques rappelle les propriétés grecques de l'individu.
Contrairement au christianisme qui s'oriente vers la vérité intérieure comme une âme personnelle, les Grecs ne connaissent pas la vérité comme une aventure intérieure. En d'autres termes, leurs actions et réflexions sont tournées vers le dehors, non vers l'exploration d'une intériorité, d'une singularité personnelle. L'essentiel, pour les Grecs, est de se tenir sous le regard des autres. Donc, l'individu grec trouve sa liberté, non pas en donnant libre cours au subjectivisme, mais en s'objectivant. Dans cette perspective, raconter son propre histoire avec l'objectivité extrême pourrait être une forme grecque de prendre conscience du 'moi'. Ici, Meursault suit fidèlement la tradition grecque où la connaissance de soi et des choses ont pour base la réalité sensible. Ainsi, dans L'Etranger, Camus, obligé de prendre position face au problème de la rencontre entre le christianisme et la pensée grecque, refuse le Dieu des chrétiens pour revenir à une notion du sacré, de la nature, de l'individu et de la condition humaine conçus à la manière grecque.